Accueil et écoute d’un public en difficulté

Un public en difficulté…

Laissons un peu résonner en nous cette expression « public en difficulté ».
S’agit-il de personnes « fragiles » ? De personnes ayant du mal à gérer leurs émotions ? Qui peuvent exploser ? S’agit-il de personnes en précarité ? Qui traversent une période difficile ? Qui sont angoissées par l’avenir ? Ou bien…
Écoutons ce qui se passe en nous, quelle image vient spontanément ? Quelle représentation ? Et à partir de là, quelle émotion surgit :  Compassion ? Mépris ? Condescendance ? Agacement ? Colère ? Peur ? Impatience ? Impuissance…
L’émotion qui arrive, en lien avec notre représentation, va influencer notre façon d’accueillir et d’écouter, sans même peut-être que nous en soyons conscients.
Nous pouvons développer le « sauveur », le « supérieur », nous sentir « inférieur », avoir envie de fuir, d’éviter, de trouver tout de suite une solution, de juger, de « rembarrer », moraliser, banaliser…
Ces réactions spontanées sont normales.  Notre cerveau cherche immédiatement une expérience passée afin de tenter de comprendre et de trouver une piste face à ce « déclencheur » d’émotions. Il agit de façon réflexive, comme si on se brûle, sur une plaque chaude, on retire sa main sans réfléchir. Mais une personne qui souffre n’est pas une plaque chaude. Et notre réflexe n’est pas ajusté. Sur le plan relationnel, tout est toujours renouvelé, vivant. Cela demande d’être présent à « l’ici et maintenant », qui est nouveau, toujours nouveau.
Ces réactions parlent de nous, de ce que nous avons vécu et construit à travers notre vie et nos expériences relationnelles. La mémoire émotionnelle est la plus forte et la plus fidèle. Sans vigilance, elle nous emmènera vers de la répétition, même si cela n’avait déjà pas été pertinent autrefois.
Pour autant, ne nous jugeons pas : en étant conscient, nous pouvons décider de changer de place et de posture. En effet, avant et afin d’accueillir l’autre, il nous faut nous accueillir nous-même, ce qui finalement est parfois le plus difficile.
Accueillir véritablement, demande d’être ouvert, disponible, prêt à l’inattendu, centré sur l’autre et lui donner la place dont il a besoin pour se dire. Si nous sommes encombrés par nos propres réactions, nous n’avons alors ni empathie pour nous, ni empathie pour l’autre.

Soyons doux avec nous-même.
En étant sensible à nous-même, nous ouvrons notre sensibilité à l’autre.Cet autre qui n’a pas la même histoire, les mêmes expériences que nous et comme nous, fait ce qu’il peut avec ce qu’il vit. En restant coincé dans nos réactions, nous ne pourrons le rejoindre et il restera seul avec sa souffrance.
Écouter c’est déjà signifier à l’autre « Je suis là. Tu n’es pas tout seul ».
Pour autant, si nous n’y parvenons pas, ne nous justifions pas et ne nous jugeons pas. Soyons juste honnête et indulgent envers nous-même.
Accueillir demande d’être présent, seulement présent. Totalement. Arrêter sa petite radio intérieure, pleine de détails, de tâches à accomplir, d’impatience et de « priorités ». La priorité lorsqu’une personne est en difficulté, c’est d’être là, juste là. 
Alors, commencer par se taire…
« Si l’homme a deux oreilles et une bouche, c’est pour écouter deux fois plus qu’il ne parle. » Confucius

Écouter quoi ?

Il arrive que le discours soit confus, emmêlé, difficile à comprendre et décrypter. Au point que nous pensons « Mais de quoi il.elle parle ? ». Cela parle d’émotions, de sentiments non-accueillis et conscients qui viennent perturber le rationnel et la logique. Lorsqu’elles sont trop fortes, les émotions cherchent à prendre le pouvoir !
Ce sont elles qui sont d’abord à conscientiser et nommer. Pour cela, entendre les mots et être attentif au non-verbal. La plus grande part de la communication est non-verbale : ton de la voix, gestes, regards, posture du corps… Ce qui est bien, c’est que dans les mêmes postures nous ressentons les mêmes choses, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Il nous est donc possible de « lire » ce non-verbal et de l’accueillir.
Et avec beaucoup de douceur et d’empathie mettre dessus les mots qui nous semblent justes : « C’est vraiment difficile pour toi de… » ; « Tu trembles en parlant, c’est très intense… » ; « Vous avez eu très peur… » ; « Ce problème empoisonne votre quotidien et vous êtes inquiet… ».
Si ce vécu est sincèrement accueilli par nous, notre reformulation apaisera notre interlocuteur et lui permettra d’aller plus loin pour retrouver petit à petit la responsabilité de sa vie et sa capacité à faire des choix.
Il se peut que des pensées nous traversent : « Il exagère » ; « Elle s’y prend mal » ; « Cela peut arriver à tout le monde » ; « Je sais ce qu’il faut faire » ; « Ce n’est pas grave » ; « Il n’y a qu’à…, il faut… » … Juger, banaliser, donner la solution, ou au contraire dramatiser, questionner… sont des écueils qui parlent de nous. En réalité, nous sommes touchés et n’écoutons pas ce qui se passe en nous à ce moment-là, nous nous défendons de notre propre vécu. Ces écueils sont normaux. Accueillons-les avec douceur. Ils vont passer et nous pourrons redevenir présent à celui.celle qui tente de se dire. Et reformulons au plus juste ce que l’autre exprime de son vécu, au-delà du sujet ou problème évoqué.
Même si la personne a besoin de trouver une solution à un problème précis, il est nécessaire d’avoir d’abord écouté authentiquement son vécu, avant d’explorer avec elle les possibles sorties. Il est important que notre interlocuteur.trice se sente reconnu.e et capable de prendre sa vie en main. La délicatesse dans nos éventuelles propositions est indispensable.

Écouter vraiment, c’est nourrir des besoins fondamentaux chez l’autre : reconnaissance, amour, accueil, droit d’être qui il.elle est inconditionnellement. C’est tellement réparateur !

Et si les gens étaient des cadeaux qui nous étaient envoyés ?
Certains sont magnifiquement enveloppés, ils sont attrayants dès le premier abord.
D’autres sont enveloppés de papiers très ordinaires
Ou bien leur emballage reste à désirer.
D’autres ont été malmenés par la poste.
Attention, l’emballage n’est pas le cadeau !
C’est si facile de faire l’erreur,
Et nous rions quand les enfants prennent l’un pour l’autre…
Parfois le cadeau est facile à ouvrir, parfois il ne l’est pas
Il faut alors se faire aider. Peut-être parce que les autres ont peur ?
Ils ont peut-être déjà été ouverts et rejetés ?…
Auteur anonyme

Annie Déan, Formatrice à l’IFMAN Co
Janvier 2024

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